L’ARONDELLE,
ou rien ne vaut le Créateur en personne (abrégé d’anatomie volante et
provisoire pour confectionner simplement cet animal)
Oiseau
joli, mon Arondelle,
De quoi
t’ai-je faite ? Deux traits
Ici. Ce
point : ton œil. Les ailes ?
Ces
traits qui dansent à souhait.
Voilà
mon œuvre terminée.
Or si,
dans vingt, dans trente années,
On vient
revoir l’Oiseau léger,
Si
vif ! il n’aura pas bougé !
Que
manquait-il à ma recette ?
Oh !
peu de chose : un rien de tête,
Un
cœur-noisette, un poumon-fleur
Et, caché
dans la profondeur
Du
ventre chaud, de la poitrine,
Maint
alambic, mainte machine
Très
fine à faire le bonheur,
Sans
bruit, sans panne, avec douceur…
Ajoute
encore à ta cuisine
Deux ou
trois verres à liqueur
De sang,
de lymphes et d’humeur
(Je
parle de vrai sang qui saigne,
Qu’on ne
vend sous aucune enseigne),
Un œil –
et non ce piètre point ! –
Qui
sache voir et clair et loin,
Le vrai
duvet de la tendresse
Et de
vraies plumes d’allégresse
Pour
écrire au sommet du jour
Les
jeux, les chasses, les amours…
Puis –
patience, patience !
O mon
cher amant de science –
Tu
mettras les quatre saisons,
Les
aubes vierges, l’horizon,
Le Feu
secret, la mer immense,
Les
étoiles et leur silence, -
Et comme
c’est trop peu, je crains,
Tandis
que tu seras en train,
Ajoute-moi
la terre entière,
Le ciel,
le vent et la lumière
Et, pour
suprême condiment,
L’esprit
de Dieu, tout simplement.