Les vivants doivent habiter dans le temps

En tel lieu, et revêtir – par quel mystère ? –

Signe, stigmate, odeur ; être blonds, bruns, blancs,

Bref, jouer leur jeu bizarre de vivants

Collés par les deux pieds à la vieille terre

 

Jusqu’à ce que la mort enfin les dénoue

D’eux-mêmes… Alors, brisant leur chaîne, ils vont

Rouler sur les grandes houles d’or, leur front

Reflétant les larges étoiles, leur joue

Dorée par le pollen des constellations…

 

Leurs yeux, que l’aurore nouvelle a rouverts,

Embrassent d’un coup le passé, l’avenir

Et – fleur, caillou, Bien et Mal, les coups soufferts,

Les plaisirs, l’ange et l’animal, rouge et vert –

En un seul rayon savent tout contenir.

 

Ils ont franchi les cercles des différences,

Ils sont revenus dans l’Oeuf  originel

Où tout est lumière et merveille et science.

Leur oreille s’ouvre au-delà du silence –

Sur leur face flotte un sourire éternel…

 

mai 1970