LES FRUITS DÉFENDUS

 

Ève, dans le premier Jardin,

Au pauvre Adam tendit la pomme

D’où s’envolèrent tout soudain,

Comme frelons, les maux de l’homme.

 

Pour moi, ce furent des noix, chère,

Que vous cassâtes, l’autre soir.

Vertes, les noix, mais plus amère

Votre sagesse sans espoir !

 

Quand l’Ange au glaive de lumière

Chassa du paradis, hélas,

L’Adam tout nu, l’Ève peu fière,

Tous deux s’en furent, de ce pas,

 

Se consoler sous la ramée,

Larmes et membres confondus,

L’amant avec sa bien-aimée,

Rêvant aux paradis perdus…

 

Pour moi, le sort est plus sévère :

De l’âcre coque un Ange sort

Qui, tout flamboyant de colère,

Me jette au Sud et vous au Nord !

 

Ah ! je conviens, s’il faut le dire,

Que vos yeux sont délicieux.

Mais ces noix sur ta main… Sans rire

La pomme d’Ève valait mieux.

 

Foncougourde, septembre 1965