Pages Feuilletées

 

Dr Anthony Sattilaro

Rappelé à la vie. Une guérison du cancer

(Calmann-Lévy, 1983)

 

Aujourd’hui je vous emmène en Amérique, à Philadelphie. Nous sommes en 1978. Le docteur Anthony Sattilaro, 47 ans, directeur d’un grand hôpital, passe une banale radio à cause d’une chute de vélo. Voilà que le ciel lui tombe sur la tête : il a un cancer de la prostate, et des métastases osseuses un peu partout. Depuis deux ans il souffrait constamment de douleurs dans le dos, mais ne se doutait pas du tout que c’était dû à un cancer. C’est un homme énergique et sérieux, sans problèmes, un célibataire d’origine italienne, très accaparé par son travail (médecin anesthésiste puis directeur d’hôpital) et gagnant très bien sa vie.

 

Du jour au lendemain, sa vie paisible est bouleversée. Il subit plusieurs opérations dans son propre hôpital, ce qui lui permet de voir les choses de l’autre côté : il se rend compte à quel point c’est angoissant d’être malade. On lui enlève les deux testicules pour ralentir la maladie en supprimant les hormones mâles, puis on lui donne un traitement aux oestrogènes, des hormones féminines.

Malgré tout ça, le pronostic est très sombre : une espérance de vie de 18 mois à 3 ans, et encore. Car chez les hommes jeunes, le cancer de la prostate évolue plus vite. Il met ses affaires en ordre en prévision de sa mort prochaine. Il est très déprimé, il souffre toujours autant du dos et doit prendre des antalgiques sans arrêt. Il souffre aussi moralement de la perte de sa sexualité, et d’une façon générale de la solitude car il a peu d’amis. Il continue son travail, car c’est bon pour le moral d’avoir une occupation, mais sinon tout va au plus mal.  Là-dessus, son père meurt du cancer ! Il ne manquait plus que ça.

 

Et c’est à ce moment précis que le miracle se produit.

En revenant de l’enterrement de son père, il prend deux auto-stoppeurs, contrairement à ses habitudes, sans savoir pourquoi, deux jeunes hippies, pas du tout le genre de personnes qu’il fréquente d’habitude. Il leur raconte d’où il vient puis il ajoute : « Moi aussi j’ai un cancer et je vais mourir ». L’un des garçons lui répond sans s’émouvoir : « Vous savez, docteur, vous n’êtes pas forcé de mourir. Le cancer, ce n’est pas si difficile que ça à guérir » et il lui explique que le cancer est causé par une mauvaise alimentation, et comment il faut se nourrir pour guérir. Le Dr Sattilaro, bien entendu, trouve ces idées complètement stupides. Le garçon insiste et note son adresse.

Quelques jours après, un ami emmène Sattilaro à une réunion de prière pour les malades, organisée par le Renouveau charismatique. On prie pour lui. Il ne croit pas à la possibilité d’un miracle mais il est ému par l’amitié dont on l’entoure. Son cheminement vers Dieu sera lent mais sûr.

Il commence à ne plus supporter son antalgique habituel à base de morphine, et les autres antalgiques n’ont aucun effet. Autrement dit, ou il souffre, ou il vomit. Il essaie différentes solutions, sans succès.

 

Voilà qu’il reçoit un livre envoyé par le jeune auto-stoppeur. Ça s’appelle Pour une approche macrobiotique du cancer.

« La macrobiotique ? Le jeune homme avait en effet mentionné ce nom. N’était-ce pas cette espèce de régime bizarre à base de riz complet ? »

Il lit le livre, et s’il ne le jette pas au panier, c’est uniquement parce que parmi les témoignages figure celui d’un médecin. Il téléphone à cette personne, et de fil en aiguille il se retrouve chez quelqu’un, Denny Waxman, qui lui donne des conseils diététiques.

« Qu’est-ce que la macrobiotique ? lui demandai-je.

- Fondamentalement, c’est un mode de vie comprenant un régime alimentaire et une philosophie destinés à améliorer votre état de santé et à vous procurer le bonheur. Le régime varie selon l’état de chacun, la saison et l’endroit où l’on vit. Mais vous, vous devriez manger 50 à 60% de céréales non décortiquées, principalement du riz complet, 25% de légumes cuits cultivés dans la région, et 15% de légumineuses et d’algues marines, le reste étant constitué de soupes et de divers condiments ».

 

Bien entendu, Sattilaro ne croit pas un mot de tout ça, mais comme il n’a rien à perdre, il vient au cours de cuisine où on lui explique que les aliments ne sont pas simplement un combustible, que nous sommes littéralement faits de ce que nous mangeons, et qu’il faut donc accorder la plus grande attention à la qualité de la nourriture, et la traiter avec respect et gratitude.

Après le cours de cuisine, il y a bien sûr un repas, qui est appétissant, mais le goût des aliments le surprend plus ou moins. En bon Américain moyen, il mangeait jusque-là de la viande à tous les repas, beaucoup de matières grasses, beaucoup de desserts, de l’alcool, et la nourriture macrobiotique est évidemment beaucoup plus sobre. Il constate tout de même que les personnes qui sont là sont en pleine forme.

Il n’y croit toujours pas, car ces idées n’ont aucun rapport avec ses études médicales ni sa vision du monde, mais comme il n’a absolument pas d’alternative, il décide de faire sérieusement ce régime, après tout pourquoi pas ? Et comme il a beaucoup de volonté, il le fait très bien, sans faire aucun écart. Il ne sait pas du tout faire la cuisine : il vient donc tous les jours dîner chez les Waxman, qui lui donnent de quoi manger à midi à son travail, où il ne se laisse pas troubler par les commentaires de ses collègues. Même pour aller à un congrès médical, il emporte un panier de boulettes de riz.

                                                                                                                

Tous les soirs chez Waxman il pose des questions, il commence à comprendre, sa confiance se renforce.

Au bout de quelques semaines, sa douleur dans le dos a disparu. Il se sent plus léger, plus actif. Des troubles intestinaux qu’il avait depuis 20 ans disparaissent aussi. Son teint s’éclaircit, sa vitalité physique et mentale ne fait qu’augmenter.

« Je me sentais aussi léger qu’un oiseau »,

écrit-il, mais il ajoute :

« Naturellement, je m’attendais toujours à voir le carrosse de Cendrillon redevenir citrouille ».

En avril 1979, donc presque un an après le début de cette histoire, il n’y a plus trace de cancer dans ses analyses de sang.

Il rencontre Michio Kushi, un grand spécialiste de la macrobiotique, qui lui dit qu’il est guéri mais qu’il doit continuer le régime encore plusieurs années sous peine de rechute. Sur son conseil, Sattilaro arrête les oestrogènes.

En tant que malade, il est content d’être guéri, mais en tant que médecin il veut des preuves scientifiques pour faire avancer la science et être utile aux autres malades.

En septembre 1979, il passe une scintigraphie : plus aucune trace de cancer.

« J’éclatais de joie, sans raison apparente. Une pile de documents administratifs ou un problème dans mon travail pouvait soudain me remplir d’allégresse. Je prenais plaisir à observer les plus délicates manifestations de vie pour lesquelles, dans le passé, je n’avais eu ni le temps ni les dispositions. Je ne pouvais m’approcher d’un bol de riz ou de légumes sans ressentir une profonde gratitude envers Dieu ».

 

Il étudie la question des rapports entre l’alimentation et les maladies de dégénérescence (cancer, maladies cardio-vasculaires etc.), et s’aperçoit que des études ont été faites sur la question, mais que la médecine préventive intéresse généralement peu les médecins, qui aiment mieux soigner les malades qu’éduquer les bien-portants.

Il découvre que la plus grande partie des habitants de la Terre, ce qu’on appelle le Tiers-monde, se nourrit précisément de céréales, de légumes et de fruits.

Il apprend que les excès de lipides, de protéines et de calories, ainsi que l’insuffisance de fibres, sont les principaux facteurs alimentaires de maladies (de nos jours, toutes ces idées sont devenues banales en ce qui concerne les calories, les lipides et le manque de fibres. Mais beaucoup de gens croient encore qu’il faut manger un maximum de protéines, dont pourtant les excès sont aussi nuisibles que les carences).

La maladie est une réponse du corps aux agressions toxiques internes. Il faut trouver les causes de la maladie, et le régime qui va rétablir l’équilibre.

« En retrouvant cet équilibre, nous donnons au corps la possibilité de se débarrasser de ses toxines et de se guérir lui-même avec le temps, car la restauration de l’équilibre permet au système immunitaire de se renforcer afin de mieux lutter contre le processus cancéreux ».

Il prend conscience qu’il est responsable de sa maladie. Responsable, ça ne veut pas dire coupable, ça veut dire qu’on y peut quelque chose.

 

La philosophie macrobiotique bouleverse sa conception de Dieu qu’il découvre plus grand et plus majestueux qu’il le croyait, car il découvre l’harmonie et l’admirable organisation du monde.

Il recommence à aller à l’église, il revient à Dieu, se confesse et communie. Il découvre qu’il était égoïste, ambitieux, matérialiste.

« Mon cancer venait de ce que j’avais pris et pris encore (…). Maintenant si je voulais vivre, il me fallait commencer à donner. Je passerais le reste de ma vie à donner que cela ne pourrait se comparer à ce que j’avais reçu, surtout ce dernier don, le plus beau de tous – me voir rendre la vie et donner cette sagesse, après avoir gâché tant d’années de mon existence. J’en tirai une grande leçon : Dieu accorde ses bienfaits même à ceux qui ne le méritent pas. Telle est l’essence de l’amour. Je me promis de distribuer à mon tour ces mêmes présents qui m’avaient été si libéralement accordés – de répandre ce savoir et de m’attacher aussi fermement que possible aux vertus qu’il renfermait ».

Il a tenu parole. Il a d’abord publié en 1982 le livre que je viens de vous raconter (publié en France en 1983) et qui est dédié « à l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde et nous donne la paix ». Maintenant il enseigne la macrobiotique, et il est devenu prêtre.

 

Ce livre est très facile à lire : c’est le genre américain, très vivant, avec beaucoup de détails. Anthony Sattilaro précise qu’il ne s’agit que de son expérience, et qu’en aucun cas la macrobiotique n’est une formule magique ou un traitement miracle du cancer. Bien sûr chaque personne est différente, Sattilaro a eu la chance d’avoir beaucoup de volonté et de persévérance, et l’esprit assez ouvert pour se lancer dans cette aventure malgré ses préjugés. Il a eu aussi la chance d’être soutenu par un groupe d’amis enthousiastes et compétents qui l’ont aidé. Et puis, Dieu veillait sur lui.

 

Cela dit, il faut bien dire tout de même que la macrobiotique est un espoir formidable pour les malades qui acceptent de suivre ce chemin. Je connais moi-même la macrobiotique depuis plus de 30 ans. Je n’ai pas eu l’occasion de guérir une grave maladie par ce moyen, mais je connais beaucoup de gens qui l’ont fait ; mais aussi beaucoup de gens qui n’ont pas envie de changer leurs habitudes et qui préfèrent rester comme ils sont…Comme le jeune homme riche de l’Évangile… Puissions-nous avoir plutôt l’humilité, le courage et la reconnaissance émerveillée du Dr Anthony Sattilaro !

 

(sur le même sujet, il y a aux éditions Dangles un excellent petit livre de Jacques Mittler, Introduction à la macrobiotique)

 

 

PS. Dernières nouvelles : quelques années après, Anthony Sattilaro, toujours pas entièrement convaincu,  a voulu faire une expérience scientifique. Il a recommencé à manger comme tout le monde, il est retombé malade et il est mort. En macrobiotique, il faut de la persévérance : la disparition des symptômes ne signifie pas encore la guérison totale…